Navire antimigrants « C-Star » : pourquoi sa mission est illégale

Le navire de Génération identitaire qui prétend vouloir lutter contre le trafic d’êtres humains en Méditerranée est à l’arrêt au large de la Tunisie.

Au large des côtes tunisiennes, le C-Star, navire antimigrants du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, est à l’arrêt depuis le lundi 7 août. Et pourrait bien le rester. Venu se ravitailler dans le port de Zarzis, l’équipage s’est vu refuser l’accostage par des marins locaux, répondant à l’appel du puissant syndicat l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) lancé sur Facebook : « A tous les agents et employés des ports tunisiens : ne laissez pas le bateau du racisme C-Star souiller les ports de Tunisie. »

L’opération maritime, démarrée début juillet, a pour but officiel de « contrecarrer les bateaux des ONG qui agissent à l’unisson avec les trafiquants d’êtres humains », selon Génération identitaire. Dans les faits, l’équipage, motivé par un racisme à peine voilé, n’a cessé d’aller de déconvenue en déconvenue. Le 1er août, Clément Galant, responsable français de l’opération, exposait dans une courte vidéo les objectifs de la mission, assurant face caméra : « Tout ce que nous faisons est légal. » Problème : ce n’est pas le cas. A l’aide du droit international et de l’association Human Rights at Sea, Les Décodeurs se sont penchés sur cette mission inutile, voire illégale.

Les prétendus liens entre ONG et passeurs

Le principal argument avancé pour justifier l’opération est la lutte contre le trafic d’êtres humains. Ils accusent les ONG telles que SOS Méditerranée, Sea Watch ou encore Proactiva Open de « travailler de concert » avec les passeurs libyens et espèrent intercepter des communications en ce sens. C’est d’ailleurs ce qui a motivé ce week-end la manœuvre dangereuse du C-Star à proximité de l’Aquarius, bateau affrété par SOS Méditerranée pour les sauvetages en mer.

  • Pourquoi c’est voué à l’échec

Les ONG œuvrant en Méditerranée pour venir en aide aux migrants sont très encadrées. Les navires n’interviennent qu’après demande explicite du centre de coordination de sauvetage en mer (MRCC) de Rome, qui coordonne toutes les missions de secours dans la zone. Mais le contrôle ne s’arrête pas là puisque les associations se doivent de rendre des comptes à cinq autres administrations lors de chaque opération de sauvetage : à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex (pour les informations liées aux embarcations), au ministère de l’intérieur italien (pour préparer l’accueil des migrants dans les centres en Italie, à qui est envoyée la liste des rescapés avec âge, nationalité, femmes enceintes, blessés, mineurs non-accompagnés, etc.), au ministère de la santé italien (pour les blessés), à l’armateur du navire (dont le commandant est le représentant légal à bord), et à l’Etat auquel est rattaché le pavillon dès que le navire est impliqué dans une opération « anormale » comme un sauvetage ou un accrochage avec une autre embarcation. Toutes les opérations et communications sont étroitement surveillées par le MRCC, ne laissant que peu de place à des activités illégales.

En décembre 2016, le Financial Times révélait l’existence d’un rapport confidentiel de Frontex dans lequel l’organisation exprimait ses réserves quant aux activités des ONG dans la région, créant, selon elle, un « appel d’air ». D’après le journaliste britannique, l’agence européenne allait même jusqu’à accuser les associations de donner aux passeurs des « indications claires avant le départ sur des directions précises dans le but d’atteindre les bateaux des ONG ». Cet article a conduit la justice italienne à ouvrir une enquête en avril.

Un mois plus tard, le verdict tombe : le procureur de Catane (Sicile), saisi dans cette affaire, a déclaré ne détenir aucune preuve tangible pour étayer ces propos. Par ailleurs, en février, les associations ont spontanément rédigé un code de conduiteà respecter lors des missions de sauvetage en mer, consacrant « l’humanité »« l’impartialité », la « transparence », la « neutralité » et « l’indépendance » comme valeurs principales de leur action.

Quant à la question de « l’appel d’air »un rapport datant de 2014, édité par Amnesty International, démontre que l’arrêt de la mission Mare Nostrum, à l’époque, n’avait eu aucun effet sur le nombre de migrants voulant rejoindre l’Europe. Bien au contraire : il a même augmenté, infirmant alors « le mythe selon lequel Mare Nostrum a agi comme un “facteur d’appel” ». Seul constat alors : le nombre de morts parmi les migrants était alors passé de un sur cinquante à un sur vingt-trois lors des trois premiers mois de 2015.

  • Pourquoi c’est illégal

Dans l’espoir de faire éclater au grand jour un supposé trafic d’êtres humains coordonné par les ONG, les identitaires ont choisi de procéder à des « filatures » en pleine mer. Samedi 5 août, l’équipage de l’Aquarius a eu la surprise de voir arriverdroit sur elle le C-Star « Ils ont fait route sur nous à une vitesse supérieure à la nôtre. Nous avons gardé notre cap. Ils nous ont suivis, puis sont partis après avoir envoyé un message par radio », relate l’ONG. Une telle manœuvre, susceptible de provoquer une collision entre les vaisseaux, est illégale. Le règlement international pour prévenir les abordages en mer (Ripam ou Colreg en anglais), définit le cadre légal en la matière. Du fait de son activité, les navires portant secours aux migrants sont considérés comme des « navires à capacité de manœuvre restreinte ». Il est donc formellement interdit d’interférer avec leurs activités puisque, ne pouvant pas manœuvrer librement, le risque de collision est grand. Dans tous les cas, l’ensemble des bateaux en haute mer, C-Star compris, se doivent d’éviter ces incidents à tout prix (règle n° 8).

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