Super-héros: la coupe magique est-elle pleine?

Capture d’écransDepuis les années 2000, les films et séries de créatures masquées en costume moulant et bariolé se multiplient. L’overdose guette.

 Spider-Man rallie l’univers cinématographique Marvel! Après deux séries de films, l’homme-araignée rejoint le monde des Avengers.

Des déguisements, des pouvoirs extraordinaires et des crises d’identité. Chaque année, de nouvelles aventures de super-héros farcies de dilemmes éthiques et de problèmes relationnels arrivent sur nos écrans, grands et petits. L’été 2017 verra ainsi débarquer cinq productions: Wonder Woman en juin dernier, une nouvelle version de Spider-Man ce mois-ci, The Defenders sur Netflix le 18 août, The Tick, un super-héros déjanté, sur Amazon le 25 août et la série Inhumans de Marvel et ABC au cinéma à partir du 30 août, avant une diffusion à la télévision. Si on les croit foisonnants, se démultipliant sur les affiches, ces films et séries se révèlent être une goutte d’eau dans l’océan des créations américaines de l’audiovisuel. «Elles se retrouvent toujours en tête des box-offices, explique Claude Forest, professeur en économie du cinéma à l’Université de Strasbourg. On ne voit qu’elles alors qu’il ne s’agit que de quelques productions sur les cinq à six cents qui sortent des studios de Hollywood chaque année.»

L’émergence d’un genre

Cela fait quelque temps maintenant que ces personnages investissent régulièrement nos salles obscures. «Les films de super-héros ont commencé à cartonner au début des années 2000 avec les X-Men, raconte Marc Atallah, directeur de la Maison d’ailleurs et maître d’enseignement et de recherche en lettres à l’Université de Lausanne. Il y a eu quelques tentatives plus tôt, des apparitions ponctuelles, ce qui a donné des films souvent assez mauvais.» Dans les années qui suivent, la trilogie Spider-Man de Sam Raimi et celle consacrée à Batmanpar Christopher Nolan ont été les plus grosses réussites critiques et commerciales. Aujourd’hui, Disney-Marvel domine le marché sur grand écran avec ses Avengers, mais Warner Bros-DC Comics a lancé sa riposte avec de multiples séries télévisées et son univers cinématographique qui continue de s’étendre depuis Man of Steel. L’origine de ce succès, selon Marc Atallah, ce sont, entre autres, les effets spéciaux numériques: «Pour que le spectateur y croie, il faut que ce soit réaliste. Cela n’empêche pas quelques exceptions au préalable, comme le Superman de 1978.»

Le contexte historique s’avère aussi primordial et les attentats du 11 Septembre représentent un tournant: «On voit le remplacement de la grande menace qu’était l’URSS dans les mentalités, déclare Claude Forest. Les Étasuniens, attaqués sur leur sol, utilisent les super-héros comme une réponse à leur réaction psychologique. Ils comblent une vulnérabilité quand le gouvernement n’arrive pas à protéger ses citoyens.» Les récits reflètent toujours – mais de manière déformée – les préoccupations de leur temps: «Un super-héros est un archétype qui peut être investi de beaucoup de messages différents, précise Marc Atallah. Il aborde des sujets contemporains.» Captain America: le soldat de l’hiverd’Anthony et Joe Russo, par exemple, traite de l’abandon des libertés en faveur de plus de sécurité, au moment même où Edward Snowden devient lanceur d’alerte. De la même manière, The Dark Knight de Christopher Nolan nous montre une machine capable d’écouter tous les téléphones de Gotham, cinq années avant le scandale de la NSA.

Une épopée contemporaine

En même temps que le répertoire se développe, certains prédisent son implosion face aux sommes d’argent mirobolantes investies et au nombre grandissant de productions. L’univers DC Comics le plus étendu, né avec Arrow en 2012, est composé de quatre séries télévisées et trois animés jusqu’à présent. Et à la fin de l’année, celui de Marvel comptera dix-sept longs-métrages, depuis Iron Man en 2008, et quatorze saisons dans diverses séries en l’espace de seulement cinq ans! Difficile de dire quand cesseront de grandir ces constellations, mais «tous les succès sont cycliques, avance Claude Forest. Les super-héros vont forcément disparaître un jour.» S’il peut y avoir «une lassitude du public» selon lui, c’est surtout les centres d’intérêt des masses qui pourraient changer: «La préoccupation qui monte, c’est la destruction de l’écosystème et c’est peut-être bien cet imaginaire qui remplacera les super-héros dans le futur.»

Pour Marc Atallah, l’important ne se situe pas là: «Il est possible que les histoires de super-héros ne fonctionnent plus, mais il y aura toujours des mythes.» C’est là tout l’intérêt du phénomène selon lui. «Depuis le XIXe siècle, on dit que les grandes épopées (ndlr: «L’Iliade» et «L’Odyssée» d’Homère, les légendes arthuriennes, etc.) sont dépassées, mais les super-héros en marquent le retour. Ils ne sont rien d’autre qu’une grande mythologie populaire, contemporaine et sécularisée. On reprend des schémas anciens et on les réactualise pour guider une humanité en manque de sens.» Les super-héros peuvent bien disparaître, comme les cowboys des westerns avant eux, peu importe, d’autres récits leur succéderont. Pour que ces productions se maintiennent, une seule recette: elles doivent rester à niveau. «Le spectateur demande toujours plus de qualité, mais tant que les films lui procurent des émotions et le font réagir, c’est bon. Le problème viendra quand le récit ne sera plus à la hauteur.»

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