Au Kenya, le Rift est hanté par ses fantômes

Il y a dix ans, des violences ethniques ont embrasé le pays après la présidentielle. A la veille des élections nationales du 8 août, les paysans vivent dans l’angoisse d’un nouveau bain de sang.

 

Tel un somnambule, Stephen Mburu marche au milieu des herbes folles et écarte les bras. Comme s’il pouvait encore célébrer la messe dans son église de Kiambaa. « Là, il y avait l’autel, se souvient le pasteur. L’entrée était en face. Et ici, à gauche, c’était mon bureau ! » Mais le rêve ne dure qu’un instant. Mburu se fige. S’arrête devant un petit monticule de terre. Quelques croix sont dispersées au sol. « Et là, ce sont les tombes », soupire-t-il, subitement revenu au réel. De retour au pays des cauchemars.

De cette matinée du 1er janvier 2008, le pasteur se souvient des moindres détails. Ce soleil qui était déjà haut, vers 10 heures du matin. Ces hurlements, entendus au loin. Cette odeur de kérosène, qui envahit soudain les champs. Cette fumée noire, qui obscurcit le ciel. Et enfin ce cri : « Ils arrivent ! » La nouvelle année commençait et l’enfer s’ouvrait sur le Kenya.

« Ils étaient des milliers de miliciens de la tribu kalenjin, se précipitant sur nous en chantant et criant, armés d’arcs, de pierres et de machettes », se souvient Mburu. Plusieurs centaines de fidèles, de l’ethnie Kikuyu, avaient trouvé refuge dans sa paroisse. Des femmes, des vieillards, des enfants. « Ils venaient pour tous les tuer. »

Les assaillants ont bloqué l’entrée de l’église avec des matelas, pour que personne ne sorte. « Ceux qui s’enfuyaient étaient découpés à coups de machettes, poursuit Mburu. Ils ont ensuite arrosé les murs de pétrole pour y mettre le feu. » La petite chapelle de bois et de terre s’est vite transformée en torche. « Les enfants mouraient dans l’herbe en hurlant, le corps calciné. Une femme de 90 ans a été brûlée sur son fauteuil roulant. On ne pouvait rien faire. Il n’y avait plus qu’à attendre la mort. »

Sur le parvis, on relèvera 35 corps sans vie et plus de 50 blessés. Le pasteur a survécu. Mais de son église, il ne reste.

DEPLACE DU MONDE

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